lundi 11 novembre 2013

La part de rêve qui est en nous / 3



La part de rêve implique que nous soyons tous habités par un projet qui excéderait la réalité de notre existence. des raisons peuvent pour cela s'imposer : le fait de devoir accepter des règles et normes sociales qui sont dictées de l'extérieur, de devoir s'insérer dans ce même tissu dans un contexte économique qui fait que chacun doit s'adapter à un marché de l'emploi, le cadre même de la société peut être en cause : nous vivons dans un monde occidental où l'individu est devenu un absolu, nous nous écartons des modèles collectifs pour valoriser une liberté individuelle qui a pour pendant une autonomie qui paradoxalement laisse peu de place au rêve.

Ce dernier trait mérite une explication :

L'exigence de la performance maximale est exigée de l'individu qui doit dans le travail parvenir à intégrer les demandes et faire siens les objectifs de celui-ci. La décision individuelle étant valorisée nous devons alors comprendre que seul l'individu est responsable de l'échec ou de la réussite d'un projet. Cette individualisation prenant comme forme une réduction des médiations qui autrefois opéraient entre les individus dans le cas de conflits - le choc est aujourd'hui absorbé par le travailleur qui ne peut plus totalement compté par une prise en charge de sa souffrance ou défaillance par le collectif. La proportion de la part de rêve peut donc être inversement proportionné à la souffrance qui affecte le monde du travail et la dureté de celle-ci. En ce sens la part d rêve serait l'indicateur inversé d'une forme de malheur - souffrir infiniment dans ce monde en espérant les vapeurs de l'oubli par le rêve. N'était-ce pas déjà ce que faisait les ouvriers qui oubliaient la condition misérable du prolétaire dans cette fabrique de rêve et de misère qu'est le vin ? N'est-ce pas une infinie souffrance qui pousse vers l'abandon que ce soit par l'alcool, la drogue, le rêve ? N'est-ce pas encore une façon d'échapper à la condition réelle que de s'en inventer une autre ailleurs, plus loin, plus tard ? Nous donner des raisons pour ne pas faire, pour ne pas agir, pour ne pas changer les choses et nous mêmes ? Comment penser le rêve comme bienfaiteur si nous savons déjà qu'il révèle une part d'ombres qui ne peut s'échapper que durant les errances de notre conscience ?




jeudi 7 novembre 2013

La part de rêve qui est en nous / 2





Que chacun poursuive un but propre qui échappe aux impératifs de la vie en commun et même aux cadres normaux de la physique et de la raison est une chose possible. Poursuivre une chimère, vouloir décrocher la lune, être astronaute... tant de possibilités que nous cachons au fond de nous, que nous ne révélons pas par peur du ridicule ou esprit de sérieux. Que le rêve soit enfermé ainsi en nous pose le problème de la surface et de la profondeur, du rapport au réel et du sens. Si nous sommes libres nous pouvons vouloir l'impossible, nous sommes activement dans la recherche de cette part de nous qui autrement échappe et fait disparaître en même qu'elle des illusions. Mais qu'est-ce qu'une situation qui a besoin de l'illusion ? Ne faut pas s'affronter aux choses, aux possibles aussi, vouloir quelque chose qui manifeste ma tension vers l'objet et la réussite de mon projet. Le rêve ne doit pas être seulement une part de nous mais doit remplir la totalité de notre être afin d'advenir et avec lui mon identité. Il ne faut pas prendre le rêve comme l'autre de l'existence mais comme son fond, tout projet avant sa réalisation n'est-il pas rêve ? Dormir, mourir, rêver peut-être ! La vie est un songe, un mirage, comment puis-je être assuré même d'exister véritablement ?


Dans le rêve dit Descartes je ressens les choses, je sens cette caresse comme je sens la douleur de ce coup : comment partager entre les sensations diurnes et celles nocturnes ? La solution cartésienne est dans le doute, dans un doute excessif qui portée sur le fondement de l'existence elle-même et qui va rencontrer  comme seul sol solide le fait que durant le temps où je doute quelque chose est forcément en train de douter. Ce quelque chose qui doute c'est moi : d'une manière radicale la preuve de l'existence est rationnelle et n'engage pas immédiatement le corps. La substance pensante est antérieure à la substance étendue, elle en est la preuve et la réalisation intellectuelle. La coupure peut bien se produire et grandir : le corps est un support incertain de connaissances dit Descartes qui propulse ainsi la science du côté de la déduction et qui ainsi peut s'écarter de la matière comme source de toute connaissance. Descartes dans le discours de la méthode pose une raison qui prend la figure d'une pensée sans le corps qui l'accompagne, n'est-ce pas là une inversion prodigieuse de la réalité ?