Mise à disposition d'un matériel permettant de comprendre la technique de la note de synthèse en même temps que spécifiquement un travail sur les 2 thèmes qui constituent l'épreuve de connaissance générale au BTS.
lundi 11 novembre 2013
La part de rêve qui est en nous / 3
La part de rêve implique que nous soyons tous habités par un projet qui excéderait la réalité de notre existence. des raisons peuvent pour cela s'imposer : le fait de devoir accepter des règles et normes sociales qui sont dictées de l'extérieur, de devoir s'insérer dans ce même tissu dans un contexte économique qui fait que chacun doit s'adapter à un marché de l'emploi, le cadre même de la société peut être en cause : nous vivons dans un monde occidental où l'individu est devenu un absolu, nous nous écartons des modèles collectifs pour valoriser une liberté individuelle qui a pour pendant une autonomie qui paradoxalement laisse peu de place au rêve.
Ce dernier trait mérite une explication :
L'exigence de la performance maximale est exigée de l'individu qui doit dans le travail parvenir à intégrer les demandes et faire siens les objectifs de celui-ci. La décision individuelle étant valorisée nous devons alors comprendre que seul l'individu est responsable de l'échec ou de la réussite d'un projet. Cette individualisation prenant comme forme une réduction des médiations qui autrefois opéraient entre les individus dans le cas de conflits - le choc est aujourd'hui absorbé par le travailleur qui ne peut plus totalement compté par une prise en charge de sa souffrance ou défaillance par le collectif. La proportion de la part de rêve peut donc être inversement proportionné à la souffrance qui affecte le monde du travail et la dureté de celle-ci. En ce sens la part d rêve serait l'indicateur inversé d'une forme de malheur - souffrir infiniment dans ce monde en espérant les vapeurs de l'oubli par le rêve. N'était-ce pas déjà ce que faisait les ouvriers qui oubliaient la condition misérable du prolétaire dans cette fabrique de rêve et de misère qu'est le vin ? N'est-ce pas une infinie souffrance qui pousse vers l'abandon que ce soit par l'alcool, la drogue, le rêve ? N'est-ce pas encore une façon d'échapper à la condition réelle que de s'en inventer une autre ailleurs, plus loin, plus tard ? Nous donner des raisons pour ne pas faire, pour ne pas agir, pour ne pas changer les choses et nous mêmes ? Comment penser le rêve comme bienfaiteur si nous savons déjà qu'il révèle une part d'ombres qui ne peut s'échapper que durant les errances de notre conscience ?
jeudi 7 novembre 2013
La part de rêve qui est en nous / 2
Que chacun poursuive un but propre qui échappe aux impératifs de la vie en commun et même aux cadres normaux de la physique et de la raison est une chose possible. Poursuivre une chimère, vouloir décrocher la lune, être astronaute... tant de possibilités que nous cachons au fond de nous, que nous ne révélons pas par peur du ridicule ou esprit de sérieux. Que le rêve soit enfermé ainsi en nous pose le problème de la surface et de la profondeur, du rapport au réel et du sens. Si nous sommes libres nous pouvons vouloir l'impossible, nous sommes activement dans la recherche de cette part de nous qui autrement échappe et fait disparaître en même qu'elle des illusions. Mais qu'est-ce qu'une situation qui a besoin de l'illusion ? Ne faut pas s'affronter aux choses, aux possibles aussi, vouloir quelque chose qui manifeste ma tension vers l'objet et la réussite de mon projet. Le rêve ne doit pas être seulement une part de nous mais doit remplir la totalité de notre être afin d'advenir et avec lui mon identité. Il ne faut pas prendre le rêve comme l'autre de l'existence mais comme son fond, tout projet avant sa réalisation n'est-il pas rêve ? Dormir, mourir, rêver peut-être ! La vie est un songe, un mirage, comment puis-je être assuré même d'exister véritablement ?
Dans le rêve dit Descartes je ressens les choses, je sens cette caresse comme je sens la douleur de ce coup : comment partager entre les sensations diurnes et celles nocturnes ? La solution cartésienne est dans le doute, dans un doute excessif qui portée sur le fondement de l'existence elle-même et qui va rencontrer comme seul sol solide le fait que durant le temps où je doute quelque chose est forcément en train de douter. Ce quelque chose qui doute c'est moi : d'une manière radicale la preuve de l'existence est rationnelle et n'engage pas immédiatement le corps. La substance pensante est antérieure à la substance étendue, elle en est la preuve et la réalisation intellectuelle. La coupure peut bien se produire et grandir : le corps est un support incertain de connaissances dit Descartes qui propulse ainsi la science du côté de la déduction et qui ainsi peut s'écarter de la matière comme source de toute connaissance. Descartes dans le discours de la méthode pose une raison qui prend la figure d'une pensée sans le corps qui l'accompagne, n'est-ce pas là une inversion prodigieuse de la réalité ?
lundi 30 septembre 2013
Thème BTS : La part de rêve qui est en nous.
La part de rêve qui est en nous.
Cette affirmation (il existe une part de rêve en chacun de nous) produit une définition générale : tous les hommes rêvent de quelque chose qui restent enfoui au plus profond d'eux. L'énoncé suppose donc une différence entre dedans et dehors, entre surface et profondeur mais dès lors aussi entre superficiel et important, entre existence et Être. Nous retrouvons là le grand cadre de la pensée idéaliste classique : une pensée des profondeurs qui implique que le réel, la matière, les choses, ce que nous vivons finalement à moins d'épaisseur qu'un rêve, qu'un songe qui prend la forme de mon identité et de ma définition. Ne pas se contenter de l'apparaître mais plonger dans l'Être, dans l'essence, dans la définition, dans cette part de nous qui demeure un rêve car le "quotidien" ou les autres ou ma paresse empêcherait la réalisation de ce désir. Logique de la raison et de la passion, préférer une folie passagère à la construction lente d'une vie, plonger dans ses désirs et vouloir seulement qu'advienne mon plaisir. D'abord entendre que la vie ne peut être satisfaisante puisque le rêve est cette trace d'une autre existence possible, souhaitée et que je ne peux atteindre. L'énoncé suggère que le rêve aurait une valeur supérieure aux déploiements de mon existence.
Que signifie l'énoncé appliqué à notre existence ?
Qu'il y a une incomplétude de notre vie, un manque, que le meilleur de nous serait prisonnier en nous sans pouvoir s'exprimer. La faute en serait aux circonstances, aux contraintes, finalement à la société. Il y a là comme une ode à la liberté qui ne pourrait se trouver qu'en dehors de la vie "ordinaire".
Mais ne peut-on pas affirmer au contraire qu'un rêve n'est pas fait pour se réaliser ? La vie que je mène est la seule que je puisse mener, ce que je peux vivre est entièrement ma vie, sans reste. Vivre est alors pleinement réaliser ce que je suis : le dedans, l'intériorité, l'essence n'est pas un rêve mais un mythe construit de toutes pièces pour affirmer que la vie que nous vivons n'est pas la véritable vie. Pour faire croire que la vie est ailleurs, précisément toujours où elle n'est pas.
Dans le film "Into the wild" le rêve est toujours plus au Nord, en Alaska. Dans les solitudes glacées et le héros quitte ceux qu'ils rencontrent au nom de la réalisation d'un rêve. Ce ciel homme qu'il rencontre et qui est son ami, cette jeune fille qui est l'incarnation de l'amour... tout cela ne peut tenir, la liberté est ailleurs, toujours plus au froid, toujours plus seul. Et il parvient dans cet enfer qu'il rêvait en paradis. Dans un bus abandonné il créé un univers où l'indépendance est reine, où le rythme est celui de la nature. Mais si une seule fois le coeur flanche, si un jour la conscience vient qu'il n'y a de liberté qu'avec les hommes, au dedans d'eux, que l'amour n'est pas celui de la nature mais de nos semblables... alors la nature brise l'homme en quelques instants. Soudain le rêve devient cauchemar, monstre des abysses qu'il n'est plus temps d'apaiser. La mort est au bout ici de ce rêve, et la découverte que le héros fait trop tard c'est que le "rêve" était présent dans les moments de sa vie sans qu'il ne le voit ni ne le ressente tout occupé qu'il était par les méandres de ses profondeurs. Regarder ce qui est à nos pieds, accepter la vie vécue et non pas vivre dans l'illusion d'une autre vie possible.
Cette affirmation (il existe une part de rêve en chacun de nous) produit une définition générale : tous les hommes rêvent de quelque chose qui restent enfoui au plus profond d'eux. L'énoncé suppose donc une différence entre dedans et dehors, entre surface et profondeur mais dès lors aussi entre superficiel et important, entre existence et Être. Nous retrouvons là le grand cadre de la pensée idéaliste classique : une pensée des profondeurs qui implique que le réel, la matière, les choses, ce que nous vivons finalement à moins d'épaisseur qu'un rêve, qu'un songe qui prend la forme de mon identité et de ma définition. Ne pas se contenter de l'apparaître mais plonger dans l'Être, dans l'essence, dans la définition, dans cette part de nous qui demeure un rêve car le "quotidien" ou les autres ou ma paresse empêcherait la réalisation de ce désir. Logique de la raison et de la passion, préférer une folie passagère à la construction lente d'une vie, plonger dans ses désirs et vouloir seulement qu'advienne mon plaisir. D'abord entendre que la vie ne peut être satisfaisante puisque le rêve est cette trace d'une autre existence possible, souhaitée et que je ne peux atteindre. L'énoncé suggère que le rêve aurait une valeur supérieure aux déploiements de mon existence.
Que signifie l'énoncé appliqué à notre existence ?
Qu'il y a une incomplétude de notre vie, un manque, que le meilleur de nous serait prisonnier en nous sans pouvoir s'exprimer. La faute en serait aux circonstances, aux contraintes, finalement à la société. Il y a là comme une ode à la liberté qui ne pourrait se trouver qu'en dehors de la vie "ordinaire".
Mais ne peut-on pas affirmer au contraire qu'un rêve n'est pas fait pour se réaliser ? La vie que je mène est la seule que je puisse mener, ce que je peux vivre est entièrement ma vie, sans reste. Vivre est alors pleinement réaliser ce que je suis : le dedans, l'intériorité, l'essence n'est pas un rêve mais un mythe construit de toutes pièces pour affirmer que la vie que nous vivons n'est pas la véritable vie. Pour faire croire que la vie est ailleurs, précisément toujours où elle n'est pas.
Dans le film "Into the wild" le rêve est toujours plus au Nord, en Alaska. Dans les solitudes glacées et le héros quitte ceux qu'ils rencontrent au nom de la réalisation d'un rêve. Ce ciel homme qu'il rencontre et qui est son ami, cette jeune fille qui est l'incarnation de l'amour... tout cela ne peut tenir, la liberté est ailleurs, toujours plus au froid, toujours plus seul. Et il parvient dans cet enfer qu'il rêvait en paradis. Dans un bus abandonné il créé un univers où l'indépendance est reine, où le rythme est celui de la nature. Mais si une seule fois le coeur flanche, si un jour la conscience vient qu'il n'y a de liberté qu'avec les hommes, au dedans d'eux, que l'amour n'est pas celui de la nature mais de nos semblables... alors la nature brise l'homme en quelques instants. Soudain le rêve devient cauchemar, monstre des abysses qu'il n'est plus temps d'apaiser. La mort est au bout ici de ce rêve, et la découverte que le héros fait trop tard c'est que le "rêve" était présent dans les moments de sa vie sans qu'il ne le voit ni ne le ressente tout occupé qu'il était par les méandres de ses profondeurs. Regarder ce qui est à nos pieds, accepter la vie vécue et non pas vivre dans l'illusion d'une autre vie possible.
mardi 28 mai 2013
Programme 2013-2014
Toujours le thème 1 et ajout du thème 2 : "Cette part de rêve que chacun porte en soi"
Thème n° 1 - Paroles, échanges, conversations, et révolution numérique
Problématique
Les échanges de paroles tissent les liens dont tout individu a besoin pour trouver sa place dans le groupe, la communauté, la société. Comment les nouvelles modalités de ces échanges prolongent-elles ou, au contraire, bouleversent-elles notre façon de penser la construction de soi, les relations humaines, les interactions avec les autres et avec le monde ?
Écrit/oral
Les échanges de paroles font intervenir une langue particulière, écrite ou orale. Les codes langagiers sont à prendre en compte dans leur diversité : codes spécifiques de l'échange épistolaire, codes de la conversation courante, codes des échanges numériques. Ces derniers brouillent les catégories de l'écrit et de l'oral : les échanges numériques, qui semblent instantanés et éphémères, laissent pourtant des traces tant il est encore vrai que « les paroles s'envolent et (que) les écrits restent ». Dans ces conditions, quels codes apprendre, à quelles normes se référer pour communiquer ?
Privé/public
Par ailleurs, la communication est régie a priori par des critères différents selon le caractère privé ou public de l'échange. Cette distinction semble cependant remise en cause par les réseaux sociaux qui rendent la vie privée accessible à des publics apparemment choisis. Construit-on son identité de la même façon dans un espace protégé - celui de la famille ou d'un cercle d'amis proches - et dans un réseau social ouvert ? Peut-il y avoir encore de la spontanéité dans les échanges ?
Professionnel/amateur
Qui détient une parole légitime ? Les frontières se brouillent entre la parole des experts, la parole reconnue, et la parole de tous et de chacun. Les blogs contribuent à forger les opinions. Ne risque-t-on pas de perdre la qualité professionnelle de l'appréciation portée sur une information ?
Lieu de pouvoirs/espace démocratique
Du fait du brouillage des codes, la conversation sur internet nivelle les relations hiérarchiques en rendant tout un chacun apparemment accessible. Chacun peut entrer dans une discussion, connaître la pensée de l'autre ou progresser dans la sienne grâce aux interactions entre plusieurs interlocuteurs. Les nouveaux moyens de communication permettent aussi de se constituer en lobbys pour influencer une décision, contourner les médias officiels, pour faire entendre une autre voix, résister à des pouvoirs autoritaires. Mais ces mêmes moyens peuvent être le lieu où se renforce l'expression d'un groupe de pression, qui diffuse des affirmations sans citer ses sources, fausse les informations, avec une efficacité redoutable. Les nouveaux moyens de communication aident-ils à mieux exercer la citoyenneté ?
Proximité/distance
Les lieux de communication traditionnels (la salle de banquet, le café, les salons, etc.) influent sur l'échange. La relation entre interlocuteurs est réinterrogée par les nouvelles technologies. En présence ou à distance (par la lettre, le téléphone, le courriel, les messageries et le contact vidéo), qu'est-ce qui se joue dans ces formes de dialogue ? Quels changements, quels gains, apportent les relations virtuelles par rapport aux relations directes en face à face ?
Continuité/discontinuité
La facilité des échanges, qui reposent sur des moyens techniques en permanence disponibles, permet une relation ininterrompue. Or se donner le temps de la réflexion, prendre de la distance avant de poursuivre et de revenir à une situation et, dans cette interruption, avoir mûri, progressé, organisé sa pensée, permet de mieux fonder son jugement. Cette manière de former ses idées a-t-elle encore un sens à l'heure des échanges spontanés, permanents, continus ? Le temps de la réflexion est-il le garant indispensable de la qualité de l'échange ?
Indications bibliographiques
Ces indications ne constituent en aucun cas un programme de lectures. Elles constituent des pistes et des suggestions pour permettre à chaque enseignant de s'orienter dans la réflexion sur le thème et d'élaborer son projet pédagogique.
Littérature
I. Asimov, Face aux feux du soleil, 1957
D. Daeninckx, Camarades de classe, 2008
Ph. Delerm, Quelque chose en lui de Bartleby, 2009
W. Gibson, Neuromancien, 1985
J. Franzen, Freedom, 2011
G. Feydeau, La Puce à l'oreille, 1907
E. Ionesco, La Cantatrice chauve, 1950
La Bruyère, Les Caractères, « De la société et de la conversation », 1688
D. Glattauer, Quand souffle le vent du nord, 2011
S. Larsson, Millenium, 2005-2007
Molière, Les Précieuses ridicules, 1659 ; Le Misanthrope, 1665 ; Les Femmes savantes, 1672
M. Proust, Du côté de chez Swann, « Un amour de Swann », 1913
Y. Réza, Conversations après un enterrement, édition 2004 ; Le Dieu du carnage, 2008, repris au cinéma par Roman Polanski (Carnage, 2011)
N. Sarraute, Les Fruits d'or, 1963 ; Pour un oui ou pour un non, 1982
W. Shakespeare, Beaucoup de bruit pour rien, 1600
Essais
Books, dossier « Cinq cent millions d'amis », octobre 2010
La Conversation, collection Mutations, Autrement, 1999
Internet et les réseaux sociaux, La Documentation française, 2011
« Nos vies numériques », Sciences humaines n° 229, août-septembre 2011
D. Cardon, La Démocratie internet : promesses et limites, Le Seuil, 2010
A. Casilli, Les Liaisons numériques : Vers une nouvelle sociabilité ? 2010
Y. Citton, L'Avenir des humanités, Économie de la connaissance ou cultures de l'interprétation ? 2010
M. Doueihi, La Grande Conversion numérique, 2008
P. Flichy, Le Sacre de l'amateur : sociologie des passions ordinaires à l'ère du numérique, 2010
M. Fumaroli, Trois institutions littéraires, 1994 ; Quand l'Europe parlait français, 2001
E. Godo, Une histoire de la conversation, 2003
E. Lazega, Réseaux sociaux et structures relationnelles, Que sais-je ? 2007
P. Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, 2004, 3ème édition, 2011
Films, séries télévisées
Mary and Max, Adam Elliot, 2009
Vous avez un message, Nora Ephron, 1998
The social network, David Fincher, 2010
L'Esquive, Abdellatif Kechiche, 2004
Ridicule, Patrice Leconte, 1996
Carnage, Roman Polanski, 2011 (repris de la pièce de Yasmina Réza, Le Dieu du carnage)
Le scaphandre et le papillon, Julian Schnabel, 2007
Denise au téléphone, Hal Salwen, 1995
Catfish, Henry Joost, Ariel Schulman, 2010
Contagion, Steven Soderbergh, 2011
Bref (Canal +)
Les Deschiens (« Le Bavard »)
Friends
Sites internet
Blogs des quotidiens de la presse écrite
http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=SOCIO_001_0025 : « Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives sur les sites de réseaux sociaux » (Fabien Granjon, Julie Denouël)
http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=SOC&ID_NUMPUBLIE=SOC_079&ID_ARTICLE=SOC_079_0075&FRM=N&REDIR=1 : « Smart mobs, Les communautés intelligentes mobiles ; comment reconnaître le futur quand il vous tombe dessus ? » (Howard Rheingold)
prospective-numerique.gouv.fr/place.publique
http://eduscol.education.fr/pid25134/seminaire-metamorphoses-livre-lecture.html : « La rémanence du livre dans les nouveaux dispositifs de communication » (Valérie Jeanne-Perrier) ; « Un nouvel imaginaire de lecture à travers ses représentations visuelles » (Julia Bonaccorsi)
Mots clés
Correspondance, billet, lettre, carte postale, télégramme, message, texto, SMS, internet, réseaux sociaux, blog, twitter, facebook, skype
Conversation, dialogue, échange, communication, fonction phatique, fonction expressive, fonction impressive
Manuel de conversation, code, civilité, politesse, transgression, abréviation, phonétique, smiley, orthographe, norme
Parler, discuter, argumenter, affirmer, écouter, réfléchir, réagir, contredire, admettre, nuancer
Se dévoiler, se confier, s'épancher, être sincère, mentir, s'exposer, se vanter, page personnelle, profil, narcissisme, altérité, identité
Colporter, diffuser, divulguer, propager, créer le buzz, rumeur, information, qu'en-dira-t-on, réputation, cancans, ragots, marketing viral
Intimité, anonymat, silence, protection de la vie privée, confidentialité, discrétion, secret, meuble secrétaire, pudeur
Vitesse, immédiateté, temps réel, spontanéité, retenue, réserve, atermoiement, procrastination
Ami, association, coterie, cercle, club, communauté, forum de discussion, réseaux sociaux
Élégance, préciosité, affectation, naturel, franchise, ostentation
Expressions : tourner sa langue sept fois dans sa bouche, avoir l'esprit d'escalier, saisir la balle au bond, parler pour ne rien dire, répondre du tac au tac, tourner autour du pot, mdr, lol.
Thème n° 2 - Cette part de rêve que chacun porte en soi
Problématique
Le rêve se définit spontanément par opposition à la réalité. Il est généralement tenu pour une parenthèse de la conscience, une phase particulière du sommeil. Mais il renvoie aussi à la représentation idéale de ce que chacun désire et voudrait peut-être réaliser. La part de rêve que chacun porte en soi semble pouvoir libérer de réalités douloureuses, monotones ou ennuyeuses et aider ainsi à orienter autrement sa vie, à la redessiner dans un ailleurs et un futur plus ou moins proches. Le rêve stimule l'individu qui ne se satisfait pas de ce qu'il est et de ce qu'il a. Il élargit les possibles.
Multiples sont les éveilleurs de rêves (lieux, objets, personnes, sensations, etc.). Les œuvres d'imagination sont aussi propices à la rêverie, elles permettent de se transporter dans d'autres espaces, d'autres époques, d'autres personnages. Cependant, le rêve risque de couper du réel et d'amener à ne vivre que de chimères ou de fantasmes qui empêchent d'agir dans le monde et de mener sa vie. En ce sens, il est parfois dénigré comme perte de temps, fuite des responsabilités. Quelle part de rêve préserver dans un monde soumis à l'efficacité et à la rentabilité immédiates ?
C'est tout autant l'être que l'avoir qui sont concernés par le rêve : rêves d'objets de consommation, rêves de luxe, rêves de ce que les nouvelles technologies autorisent, rêves d'une identité autre, plus belle, plus forte, plus grande. Ces aspirations induisent un idéal porté par le rêve, facteur d'élévation et de sublimation de chacun, force de création et d'innovation. Cet idéal n'est cependant pas le même pour tous. Tel individu ne pourra-t-il pas trouver médiocre ce que tel autre pense être à sa mesure ?
Quelle est la part intime et vraiment personnelle de ce rêve qui nous porte ? Partagé par un groupe ou par l'ensemble d'une société, le rêve peut devenir utopie et donner à chacun comme à tous des raisons de vivre et d'espérer. Mais l'optimisme utopique ne risque-t-il pas de porter atteinte à la part de rêve et de liberté que chacun porte au plus profond de soi ?
Indications bibliographiques
Ces indications ne constituent en aucun cas un programme de lectures. Elles constituent des pistes et des suggestions pour permettre à chaque enseignant de s'orienter dans la réflexion sur le thème et d'élaborer son projet pédagogique.
Littérature
André Breton, Nadja
Lewis Carroll, Alice au pays des merveilles
Erri de Luca, Montededio
Grégoire Delacourt, La Liste de mes envies
Robert Desnos, « J'ai tant rêvé de toi », Corps et biens
Fatou Diome, Le Ventre de l'Atlantique
Victor Hugo, Booz endormi, La Pente de la rêverie
Martin Luther King, I have a dream
La Fontaine, « La laitière et le pot au lait » ; « Les Souhaits »
Haruki Murakami, 1Q84 et Kafka sur le rivage
Nerval, Aurélia
Georges Perec, Les Choses
Arthur Rimbaud, « Rêvé pour l'hiver » et « Aube »
J. K. Rowling, Harry Potter (le miroir, le patronus)
Jean-Paul Sartre, Les Mots (rêveries enfantines)
Jules Vallès, L'Enfant (rêveries autour de Robinson Crusoe)
Paul Verlaine, « Mon rêve familier »
Virgile, Enéide (rêves de Didon et d'Enée, chant IV)
Essais
Gaston Bachelard, L'Air et les songes ; La Poétique de la rêverie
Charles Baudelaire, « La reine des facultés » in Salon de 1859
Sigmund Freud, L'Interprétation du rêve
Neal Gabler, Le Royaume de leurs rêves
Nancy Huston, L'Espèce fabulatrice
Albert Jacquard, Mon utopie
Edgar Morin, Le Cinéma ou l'homme imaginaire
Jean-Bertrand Pontalis, Le Dormeur éveillé
Films, documents iconographiques
La Rose pourpre du Caire, Woody Allen
Big fish, Tim Burton
La vie est belle, Frank Capra
Reality, Matteo Garrone
Eternal Sunshine of the Spotless mind, Michel Gondry
Rêves, Aki Kurosawa
Mulholland drive, David Lynch
Inception, Christopher Nolan
Mary Poppins, Robert Stevenson
Stalker, Andreï Tarkovski
Les Daguerréotypes (scène finale des rêves), Agnès Varda
Total recall, Paul Verhoeren (roman de Philip K. Dick, Souvenirs à vendre)
Marc Chagall
Salvador Dali
Giorgio de Chirico
Paul Delvaux
Douanier Rousseau
Caspar David Friedrich
Paul Gauguin
René Magritte
Dreamlands - Des parcs d'attraction aux cités du futur (catalogue de l'exposition du Centre Pompidou, 2010)
Musique, chansons
Robert Schumann, Rêverie
Franz Listz, Liebestraüme
Claude Debussy, Prélude à l'après-midi d'un faune
Dominique A, La relève
Charles Aznavour, Je m'voyais déjà
Jacques Brel, La quête
Claude Dubois, J'aurais voulu être un artiste (le blues du businessman)
John Lennon, Imagine
Claude Nougaro, Le cinéma
Téléphone, Un autre monde
Boris Vian, La complainte du progrès
Laurent Voulzy, Le rêve du pêcheur
Sites internet
Base de textes pour l'étude des rêves dans les textes littéraires :
Exposition BNF - Utopie : La quête de la société idéale en Occident :
Mots clés
Rêve, rêverie, songe, méditation, fantasme, chimère, illusion, mirage, fantasmagorie
Imaginaire, irréel, merveilleux, paradisiaque, fabuleux
Bovarysme, symbolisme, surréalisme, onirisme
Imaginer, rêvasser, divaguer, délirer, déraisonner
Enchantement, idéal, utopie
Jardin secret, for intérieur
Doux rêveur, songe-creux, faire de beaux rêves, être dans les nuages, être dans la lune, réaliser un vieux rêve, rêver tout éveillé
Pays du rêve, rêve américain, pays de Cocagne, le rêve de l'Orient, Eldorado
L'herbe est toujours plus verte dans le pré d'à côté, faire des châteaux en Espagne, c'est le rêve !
dimanche 3 février 2013
Note de Synthèse – l’image – correction
Note de Synthèse –
l’image – correction
Introduction :
Dans nos sociétés de l’audiovisuel et de l’information la
frontière entre le réel et la fiction est mince, peut-on affirmer qu’existe une
modification de la perception du réel à cause des médias ? Le premier
document, de Cyril Neyrat est une critique du film Zodiac, le second, de
Deleuze, traire du courant réaliste américain au cinéma. Un texte de Bourdieu
vient critiquer violement la télévision puis une photographie s’intitulant
« l’homme-caméra » montre que la caméra remplace désormais notre
visage.
Nous verrons dans un premier moment que l’image et la vie forme un tout
inséparable, puis que ce tout est un monde diminué, notre rapport au réel étant
altéré par l’image. Enfin nous poserons que c’est peut-être notre rapport au réel qui
vient façonner l’image et non l’inverse.
Dans la photographie du document 5 on constate que la caméra a
pris la place de notre visage, notre œil
est celui de la caméra. C’est cette même
vision que vient louer Neyrat lorsqu’il pose qu’existe une indistinction entre
le cinéma et la vie. Le document 3 complétant cela en inscrivant que la
perception d’un film dépend en large part de notre groupe culturel
d’appartenance. Posant ainsi qu’il n’existerait pas une seule réalité mais
plusieurs. Il y aurait alors une forme d’actualisation du film dans un espace
temps particulier, Deleuze vient définir le réalisme comme ce qui vient joindre
milieux et comportements. Nous pourrions
presque parler avec Neyrat d’hyperréalité : l’image vient transformer nos
existences ordinaires en images
extraordinaires. Mais déjà ici se donne
un dérèglement : le dépassement du réel suppose une distinction. La caméra
fait plus qu’être notre visage elle le dévore pour prendre sa place.
Car la télévision nous
empêche de réfléchir, elle est idéologiquement pensée pour anéantir notre
capacité critique – Bourdieu vient ainsi accuser la télévision de diminuer
notre réel, de la déposséder de ce qui fait notre définition : la pensée.
Le vocabulaire de Neyrat, même s’il l’utilise à d’autres fins renforce l’idée
d’une « maladie » introduite par l’image, prolifération,
incrustation, dissémination, invention d’une matière, saturation. Ce réel que fabrique le cinéma est celui des
producteurs, des scénaristes…bref un monde fictionnel, le document 3 renforce
une vision d’un cinéma qui produit une
nouvelle réalité. Neyrat parle de
« terreur », signifiant ainsi la force dévastatrice de l’image.
L’homme caméra nous montre une image mutilée de l’homme. Celui d’un être qui
remplace l’indispensable par le futile dit Bourdieu. La naissance de
l’image-action vient détruire l’ancien cinéma au profit de l’industrie Américaine
du film, Deleuze explique l’essor du cinéma et sa force par sa capacité à
confisquer le réel.
Mais il faut comprendre aussi que notre homme-caméra,
lourdement chargé, est déjà un homme-passé, la révolution numérique permettant
de gagner à la fois en définition et donc en qualité tout en conservant sa
froideur et sa netteté (Ceyrat). L’omniprésence de la télévision que déplore
Bourdieu est aussi le signe de la présence de cette machine en presque tous les
foyers. Il y a, affirme le document 3,
une adaptation du cinéma au monde, de l’image, nait une constante évolution.
N’est-ce pas alors un procès technique qu’il faut intenter ? La proposition
de Ceyrat de corriger le réel avec le numérique indique ainsi que le cinéma ne
fait que s’adapter à des outils techniques complexes qui viennent alors, en
retour, informer le réel. La familiarité
que nous entretenons avec le cinéma n’étant plus alors que le résultat d’une
coïncidence technique. Il y a une actualité cinématographique qui fait passer
du clair obscur expressionniste au
réalisme suédois pour atteindre l’image-action américaine (Deleuze), l’histoire
du cinéma ne fait donc que suivre l’histoire tout court.
Conclusion
L’image à le pouvoir de nous transporter par sa puissance du
côté du merveilleux, du spectaculaire, de l’ordinaire ou du quotidien. Certains
vantent cette puissance d’autres la conteste. En tout état de cause, cinéma et
télévision font le monde en même temps qu’ils le racontent. Aussi devons nous garder une distance
critique face à ce qui se présente comme le réel tout en étant à distance de
moi.
Conclusion perso :
La télévision et le cinéma ont transformés profondément notre
vie, ouvrant des horizons à partir du petit ou du grand écran. Permettant le
déplacement par l’image et le sentiment de la proximité, par l’activation de la
vue qui est, dans nos sociétés, le sens le plus valorisé et important. Cinéma et télévision font partie intégrante
de nos sociétés, la déploration n’est pas dans ce fait mais plutôt dans
l’absence de jugement et de sens critique des usagers. C’est le rapport à
l’image qu’il faut éduquer, autrement dit le spectateur.
Question
personnelle :
A la question « pensez-vous que l’image au cinéma ou à la
télévision altère notre rapport au réel ? », nous poserons que
l’image crée par les médias vient profondément imprimer dans nos existences sa
marque et donc modifier notre perception du réel. Pourtant, et au-delà de ce
constat, nous poserons que le réel est toujours ce qu’il doit être, cette image
qui serait productrice d’une nouvelle réalité n’est en fait que la marque de
notre présent technologique : il ne faut plus alors parler d’altération
mais d’enrichissement.
L’image télévisuelle à pour particularité d’être liée à un
support spécifique : la télévision. Elle émet une image qui nous rend
captif de l’écran. Il ne s’agit pas encore du procès de ce qui est diffusé mais
en aval de la source même de cette émission. Notons que ce phénomène n’existe
pas au cinéma car le film est projeté sur un écran. Ainsi l’amalgame produit
entre télévision et cinéma engage déjà une réserve. Alors que le cinéma suppose
un choix, un déplacement et une sortie d’argent, la télévision est un objet
technique présent dans presque tous les foyers et qui engage à ce titre une
facilité d’usage et une passivité bien plus grande. Une enquête américaine
révèle ainsi que la violence des jeunes peut se trouver corrélée au temps passé
devant le petit écran. On apprend par ailleurs qu’un jeune américain de 14 ans
a assisté à 13000 crimes devant son récepteur télé. Parler d’une « exposition »
télévisuelle souligne le risque : passons alors au contenu – la plupart
des films ou dessins animés sont violents, on considère de la même façon qu’un
jeune de moins de 14 ans à été exposé plusieurs fois à la vision de scènes de
tortures et de sexualité. N’est-ce pas déjà le motif d’une condamnation de
l’impact des médias sur la construction de la personnalité ?
Mais la question de la source revient encore, la vie moderne
et l’affirmation de l’enfant roi dans nos sociétés riches conduisent des parents
dépassés à ne pas réguler l’usage des médias, de même le contrôle parental ne
devrait pas se résoudre à une simple estampille au bas des films mais à une
invitation, pour les parents, à visionner u n film avant de le montrer aux
enfants. De même l’adulte doit faire usage de son entendement et choisir son
programme ou son film. Il faut donc réintroduire la notion de liberté et de
citoyenneté au cœur du débat sur les médias. Parce que ces médias sont
désormais partie prenante de nos existences, ils façonnent autrement notre
rapport au réel en supprimant les distances, les informations sont planétaires,
les reportages montrent des contrées que peut-être nous ne verrions jamais
autrement. C’est donc un élargissement du réel que propose télévision et cinéma
mais attention à une dépendance qui tiendrait à la fois à l’objet technique et
aux conditions de constitution de l’information. Il faut nous réapproprier le réel
c’est-à-dire devenir « comme maître et possesseur » de l’image qui
s’offre sur les écrans, engager un exercice critique de notre entendement.
L’altération par l’écran du réel suppose que le réel existe en
dehors des supports techniques qui façonnent pourtant nos vies et notre
intimité, il nous faut penser autrement le rapport à la réalité en y incluant
les outils de notre temps et de notre monde. Dans la mémoire des hommes il y a
une trace technique qui fait que nous parlons de « l’âge de pierre »
pour signifier la préhistoire, de même nous sommes dans l’ère de l’image et
certainement – loin de la déploration – il nous faut faire avec et construire
l’avenir à partir de cette donnée de notre propre humanité.
samedi 2 février 2013
La performance : le nouvel âge sportif
La performance : le nouvel âge sportif.
« Faire une performance » c’est graver un exploit, c’est
atteindre un moment qui est le plus haut point de ses capacités : la
performance s’inscrit d’abord dans un rapport intime ou à soi. La performance
est le niveau maximal que je peux atteindre, c’est le sommet de ce à quoi je
peux aspirer. La performance serait
ainsi une première victoire sur soi, contre ce qui limite ma puissance d’agir,
activation de ma « volonté de puissance », vérification de mon
pouvoir sur le monde. En même temps cette performance est toujours déjà passée,
elle est un point assignable et qui se conservera sans moi. En effet cette
performance suppose bien un marquage, c’est-à-dire une mesure, un
enregistrement de l’événement et sa
comparaison avec d’autres qui face à lui sont inférieurs ou relégués. La
performance n’avance jamais seule, sinon toute action serait une performance
dans son unité et sa solitude. Au contraire la performance développe une forme
de taxinomie de tous les faits afin d’en dégager un qui mérite l’appellation de performance en
ceci qu’il serait le point supérieur de l’action, son moment le plus haut. La
performance est aussi dépossession de ce qui vient informer l’action jusqu’au
résultat, l’action est donc désormais irréductiblement identifiée à sa
fin : si seul le résultat compte cette autonomisation du résultat empêche
de penser l’action comme la somme intégrante des moyens, elle n’est retenue que
dans son surgissement dernier. Il y a en même temps inversion du
mouvement : alors que la performance est le résultat de toutes les
actions, parce qu’isolée et prise comme unité de mesure, elle est pensée comme
le point d’ancrage de tous les faits ; en ceci elle deviendrait condition
d’intelligibilité et de compréhension, en même temps cela s’accompagne d’une
dévalorisation de toutes les autres actions, qui sont, en comparaison, misérables,
faciles, insignifiantes, faibles.
C’est bien paradoxalement la
place d’autrui qui au centre de l’interrogation sur ce qu’est une performance. La
performance suppose une compétition, une mise en concurrence pour obtenir le
meilleur résultat ; la confrontation serait donc sous le mode du
dépassement d’autrui plus que d’un face à face avec soi. Le terrain est ainsi
posé, l’ennemi est autrui, mon action doit être assez exemplaire pour évincer
tous les autres du champ de la compétition : faire date c’est inscrire un
record dans le temps, sans les autres. Quel temps pour la performance ?
Bien sûr la performance à l’âge de ses instruments de mesures[1]. Elle
est liée à l’évolution des techniques comme ce qui lui permet d’obtenir
précision[2] et
fiabilité, parallèlement elle engage une vision de plus en plus technique
d’elle même qui ne dépend plus désormais des seules forces de l’individu mais
de tout un tissu médical, d’assistance, de matériels sans lesquels la
performance est tout simplement impossible. Il y a une intrication de l’homme
et de la machine, l’organisme devient un dispositif technique supplémentaire à
partir duquel on peut fonder le record. A la question : qui peut produire
un record ? nous pouvons répondre le meilleur, en tant qu’être le meilleur
n’est plus lié à l’intention de l’action, au contenu de sa volonté, mais
seulement au fait d’arriver le premier, d’être devant, non pas un homme mais un
chiffre. Les hommes luttent contre des hommes mais aussi contre la montre. Ce qui se fête à travers la
performance ce n’est plus l’exploit isolé d’un homme mais la formidable énergie
développée autour de lui par des entreprises, des sponsors, des Etats. Alors la
performance n’avance pas seule, nous voyons qu’elle dissimule un monde et une
organisation de celui-ci : une idéologie, capable de l’asseoir et de la
faire honorer. Alors cette valorisation de la performance dans les sociétés
modernes est aussi la mise en avant de la mesure, tout acte doit entrer dans un
comparatif permettant tout à la fois de l’identifier et de le rapporter à
d’autres. C’est ici un souci d’ordre, d’une classification verticale, celle qui
convient à une structure hiérarchique pyramidale. La forme de la performance
devient le modèle identificatoire de la société, celui de la réussite sociale
pensée du côté non plus d’un « salut » ou encore d’une réalisation de
soi ou de la constitution d’une œuvre mais comme la stigmatisation de la
faiblesse comme contre productive et contre réalisante : ainsi
idéologiquement le glissement peut s’opérer, le riche mérite sa position
sociale tout comme le pauvre, s’il est vrai « que celui qui veut
peut ». La performance trouve une audience au delà du sport, ce discours
est aussi celui de l’entreprise. Il s’agit d’y être performant, c’est à dire de
donner le meilleur de soi même. La performance implique alors le savoir, la
qualification, la disponibilité, l’ambition, l’obéissance aux règles internes,
la docilité sinon la servilité. La performance affichée comme étendard par les
entreprises et bientôt la société toute entière, volonté de pouvoir, pouvoir de
la volonté.
La performance naît sous le sceau de la volonté, elle implique la
liberté du vouloir, la tension d’un désir vers un but et la mise à disposition
des moyens pour l’atteindre. La performance suppose donc une causalité, un
enchaînement nécessaire pour être dans la disposition physique adéquate, un
entraînement, une préparation physique et psychique, et puis une réalisation
lors de la rencontre sportive. Le « vouloir » est a l’origine de la
performance. Elle constitue à ce titre un puissant marqueur idéologique :
faire que les gens assistent, soutiennent, veuillent la performance c’est
permettre son irruption dans la société civile. Ce qui se dessine alors à
travers le choix de la mesure-performance c’est une forme de brouillage
méritocratique, ce soupçon qui pèse sur la conscience même de l’opprimé qu’il
serait à l’origine de sa condition misérable.
Ce mystère de « la servitude volontaire »[3], où l’on
voit le pauvre vénérer cette puissance qui l’asservi comme si elle était son
salut.
Opposition performance et perfectibilité
La perfectibilité contient l’idée d’un développement personnel, le fait
que nous soyons en devenir, que nous soyons toujours dans une situation de
développement de soi, la perfectibilité permet de se penser à l’horizon de soi,
notre identité est en devenir. Nous n’en avons pas finit de commencer à
être : pour cela il faut d’abord voir le champ de la nécessité s’éloigner
pour voir apparaître le terrain de la réalisation et de la création continuée.
C’est la figure de Rousseau qui, dans Le discours sur l’origine et les
fondements de l’inégalité parmi les hommes, donne chair à ce concept, il
est ce mouvement qui conduit l’homme
vers la réalisation de ses possibles. Cet horizon étant pour lui tout d’abord
biologique, c’est ce qui nous distinguera de l’animalité, et puis politique,
les institutions devront tenter de s’accorder à cette nature et lui donner un
cadre artificiel permettant son expression tant collective qu’individuelle. Victor
Goldschmidt[4]
en dira qu’elle est « la condition préalable et formelle qui rend possible
toutes les facultés », la perfectibilité est en l’homme le signe de
l’illimité : alors que la performance confisque les dispositions de
l’homme au profit d’un geste unique qu’il s’agit de reproduire parfaitement,
accomplissement d’une fonction, la perfectibilité engage une disposition
universelle à l’infini. Mais il y a aussi un rapprochement possible dans cette
« ambition de l’homme moderne »[5] comme
ouverture à l’infini. En effet la « perfectibilité » est un concept
des temps modernes, son assise est le XVIIIe et l’énergie vapeur, la naissance
de l’industrie, les manufactures, la rentabilité.
Ce serait un concept des temps industrieux ancré pourtant dans le corps
même de l’homme, dans cet « état de nature » où déjà un partage se
fait entre l’homme et la bête. La performance prend appuie sur un concept qui
chez Rousseau engage une rupture d’avec une nature seulement physique puisque
l’homme naturel dispose déjà d’une faculté virtuelle de devenir. C’est pour
couper d’avec la nature que Rousseau
introduit ce concept et non pas pour la fonder. Ici nous retrouvons Darwin[6], la
société est le moment d’arrêt de l’inégalité naturelle, arrêt de cette
« performance » naturelle pour la sélection des espèces. Alors que
chez l’animal c’est l’espèce qui prime sur l’individu, chez l’homme c’est
l’individu qui prime sur l’espèce[7]. Les
moyens acquis par l’homme dans son déploiement technique lui assure désormais
une richesse, une abondance suffisante pour pouvoir distribuer à ceux qui sont
naturellement placés en situation défavorable mais qui artificiellement peuvent
contribuer sinon fabriquer l’essor civilisationnel. Tout devient donc une
question de redistribution, de répartition, d’abandon donc, par ceux qui
détiennent par spoliation les richesses, d’une place usurpée de tout temps.
C’est le travailleur qui tisse la soie, qui bâtit les palais, qui extrait l’or[8], et
celui-là n’aurait d’autre droit qu’à la seule reproduction de sa force de
travail devant des spectacles produits pour le décérébrer[9]. et
l’adapter un peu plus à un monde qui l’opprime et l’exploite ?
Opposition performatif/performance
L’opposition performatif / performance permet de saisir une différence
d’orientation : produire une action performative, selon un déplacement de
la linguistique d’Austin[10] vers
une théorie généralisée de l’action, c’est modifier le réel, le
« perforer », établir en son sein une trouée qui soit la
manifestation d’une liberté. Nous ne sommes pas ici dans une mesure mais bien
plutôt face à une contre-mesure, il y a rupture là où la performance ne peut
penser que la continuité. Il y a avec l’action performative une forme de percée
dans le réel qui n’est plus un mais multiple, à faire. C’est le statut du réel
qui est menacé, le réel n’est pas un étant, un déjà-là dans lequel mon action
ne peut plus que trouver place pour mieux l’affirmer et le réaliser, il devient
une forme mouvante, plastique : le réel est à réaliser, en attente de
l’action, le réel est à faire. Ce que la performance supprime c’est la
surprise, elle n’est qu’un faux marivaudage entre la pensée et le réel. Aucun
surgissement ici, aucune nouveauté, ce que souhaite la performance c’est la
cristallisation, la fixation, plus loin l’endormissement des masses qui suivent
devant l’écran de télévision les exploits des sportifs, qui vivent l’exploit
des vedettes, qui regardent l’exploit des politiciens. Car la performance est
protéiforme, elle emprunte tous les canaux permettant d’asseoir son emprise sur
nos vies. Si la performance est contre-performative c’est parce qu’elle est
éminemment conservatrice, est-elle l’instrument d’une idéologie qui la dépasse
et qui ne fait que se servir d’elle ? Ou est-elle à l’origine même du
système d’exploitation qu’elle promeut non plus simplement comme moyen mais
comme cause ? Autrement dit il faut
faire coïncider l’apparition de la société libérale et l’apparition de la
mesure de la performance.
Opposition performance/rivalité
La performance est alors le contraire de la rivalité, les rivaux sont
ceux qui s’opposent sur le terrain de la justice, il s’agit d’être au mieux de
soi afin que les autres décident que telle charge doit m’être confiée car je
suis le meilleur, pas au sens de la performance mais au contraire dans une
société des rivaux qui est celle des égaux. C’est l’égalité qui est à la cause
de la rivalité, c’est parce que nous sommes identiques, jouissant des même
droits et ayant les mêmes devoirs, qu’une rivalité est possible et même nécessaire.
Ce modèle est celui de la Grèce ancienne. La rivalité est ici positive car elle
n’écarte aucun citoyen, chacun est digne de cette rivalité. La rivalité
constitue un jeu a somme positive, elle est en ce sens l’opposé de la guerre
qui ne connaît de vainqueur que dans la défaite de l’ennemi : la guerre
est un jeu a somme négative. La rivalité engage au contraire une forme
d’ascension démocratique, moment où autrui désire la victoire d’autrui et non
la sienne propre, et ce afin que vive l’idée de démocratie. Le plus compétent
doit être l’émanation ou le désir de toute la société, et même parfois contre
sa volonté selon cette idée que si le pouvoir doit être donné il faut le donner
à celui qui n’en veut pas. Mais pour que cette rivalité entre quelques citoyens
soit possible il a fallu d’abord créer un système où une majorité d’autres
seront, selon le mot de Rousseau, infiniment esclaves. Alors en effet la
question de la rivalité ne fait que repousser un peu plus loin celle de
l’aristocratie, de l’injustice, de la violence, de la performance.
En même temps cet appel du plus grand nombre à l’exploit fait penser à
un appel ontologique, à l’Homme, celui à qui rien n’est impossible et qui
dépasse sans cesse ses propres limites. L’Homme est donc celui des records, des
exploits, celui qui gagne et si possible définitivement. Loin donc de renvoyer
à la seule « belle
individualité »[11] elle engage une certaine vision de l’humanité
au plus loin de celle de Vercors[12].
Celui-ci raconte que sa vision de l’homme a été profondément modifiée par une
projection cinématographique qui montrait la terre de très loin puis le plan se
rapproche et on devine la campagne, la caméra remonte un peu pour laisser
apercevoir le ciel et une forme qui si meut, la caméra se rapproche et on voit
que cette forme est un avion en détresse, on voit les flammes déjà qui le
gagne, enfin la caméra se rapproche de l’appareil et à travers le cockpit on
voit un homme au commande de l’appareil. Là Vercors dit saisir que l’humanité
n’est pas une abstraction mais embarqué avec cet homme dans le cockpit de son
appareil en flamme. Ainsi toutes les autres choses vues disparaissent devant
cet homme qui devient le tout de l’univers. Ici nous sommes au plus loin de la
performance, nous épousons la détresse d’un homme qui loin d’être en train de
gagner est en train de tout perdre, et l’espoir et la vie. Nous sommes proche
de lui pour signifier que sa peur est celle de tous les hommes, pour
l’accompagner dans l’ombre et les ténèbres qui l’aspirent. Est-ce là seulement
une éthique de la souffrance ? Une forme de la pitié ou de la
commisération ? La critique est possible mais pour se faire elle devra
supprimer ce qui constitue la force même de Vercors, c’est l’individu qui doit
être le centre de toute politique, non pas seulement l’individu gagnant mais
aussi l’individu perdant, qui vient résumer tout l’effort de l’humanité, qui la
contracte en son sein. Si pour sauver l’humanité toute entière il faut
consentir à voir un enfant souffrir et mourir alors la réponse est que l’humanité
est toute entière en cet enfant, s’il meure l’humanité mourra avec lui, il ne
reste plus rien à sauver. Il suffit donc d’une larme d’enfant pour ruiner
l’humanité, c’est ainsi chaque jour que nous assistons impuissant à son agonie.
A travers cette figure « résistante » de l’humanité nous pouvons
saisir le corps même de la démocratie, vouloir le bien de chacun de façon à ce
que tous nous puissions engager la réalisation de notre être au cœur d’une
communauté des hommes. Mais il faut veiller aussi à ce que ce développement de
soi ne se donne pas en dehors du développement de tous les autres hommes. En
plagiant la dernière phrase des Mots
de Sartre nous pouvons écrire que
« si je range l’impossible performance au rayon des accessoires, que reste
t’il ? Tout un homme, fait de tous les hommes, qui les vaut tous et que
vaut n’importe qui ». Faire taire la performance pour voir naître
l’égalité des hommes, en finir avec cette aspiration macabre au spectacle de
l’humiliation des hommes, en finir avec cette image guerrière des héros qui
transpirent sous tous ces maillots mouillés. En finir avec ce meilleur qui
éclipse le monde et se faisant nous fait croire que nous sommes moins que lui.
La performance nous dirige vers un collectif non démocratique. Vers un
monde sans égalité. Là est peut-être le pommeau de la discorde : la
performance clame la liberté, le politique réclame la liberté et l’égalité. La
liberté est toute d’entreprendre, elle suppose volonté et engagement, elle est
conquérante. Elle est nécessaire au politique mais dans un monde bien fait elle
ne serait que sa conclusion : une société démocratique suppose que tous
ses membres soient déjà égaux afin qu’il y ait une assurance sur la pertinence
de chacun à s’exprimer. Et parce que chacun est l’égal de l’autre, tous aspirent alors à une forme de liberté. En
un sens le système de la Grèce ancienne, sans l’esclavage et l’exclusion des
femmes.
La performance et la santé
« Toujours plus haut, toujours plus fort », ne jamais penser
une performance en dehors de cette formidable poussée en hauteur, vers un
sommet qui se dérobe chaque fois qu’un athlète l’atteint. Il y a là quelque
chose de l’oignon[13],
celui-ci peut-être épluché sans que jamais on ne trouve son centre, derrière
une peau, une autre peau. La performance se dérobe sans cesse en
s’affirmant : un autre système est représenté par l’oignon : c’est le
système du IIIe Reich, là l’élimination s’engage comme un processus sans fin et
qui n’a pas d’autre but que l’élimination elle-même. Un système clos dans les
deux cas : le système totalitaire nazi se maintient par l’élimination, la
performance se maintient par le dépassement. Le IIIe Reich considère la
jonction nécessaire de la santé et de la performance[14], c’est
en effet la santé du corps du Volk qui prime sur toute autre
considération. Le corps allemand, la race, doit faire l’objet de toutes
performances pour être maintenu en bonne santé. C’est le sport qui va d’abord
devoir jouer le rôle de mesure de la santé attester par la performance. C’est
dans cet univers où « devaient survivre et prospérer les corps les plus
nobles en général et du Volk en particulier, grâce à la pureté raciale,
à un mode de vie sain, à l’agression[15] ».
Le projet de fondation d’une race comporte un « message clair :
n’ont de valeur que ceux qui sont performants au sport ou, à tout le moins, qui
sont en bonne santé physique »[16], la
réduction de l’homme à son corps permet de mettre en place l’eugénisme. Le
corps des SS devait engager une formation sportive complet qui avait pour but tout
à la fois de produire un corps parfait mais encore en négatif de pouvoir
éliminer les corps souffrants, les incapables, les lâches. Glissement du sport
vers les valeurs du sang, vers ce sol nourrit de sang ou le sport devient
l’outil de la sélection naturelle. « Alors que les officiers SS reflètent
en principe la santé et la performance, les peuples « inférieurs »
sont complètement exclus de l’une comme de l’autre et, par conséquent, de la
sphère morale de la valeur[17] ».
L’identification au mal, à la maladie pour les peuples en défaut de
performances, d’autre part un corps plein de santé, celui du peuple germanique
constituant l’antithèse des « Juifs (qui) représentent l’anti-performance
absolue[18] ».
Il y a derrière cette idéologie de la performance une double
instrumentalisation note André Mineau, premièrement une instrumentalisation du
corps des non-Aryens, ceux là sont des marchandises, des machines, des
« stucks ». Deuxièmement une
instrumentalisation de l’Aryen « dont le corps n’est plus qu’un vecteur utile
du sang du Volk »[19]. La
performance sportive est partie prenante du système nazi, elle en est le
soubassement, la mesure, permettant de vérifier que chacun est à son sang, la
performance assurant aussi de pouvoir juger si un Aryen n’est pas en train de
basculer dans le non-Aryen. L’utilisation du sport et en son sein de la
performance permet de fonder le Volk comme un absolu.
La performance et le temps
La question de la performance nous place face aux exigences de l’instant
qui se cristallise en éternité, il faut rejoindre ce point où nul autre ne peut
aller, marquant ainsi la différence et la supériorité de celui qui produit
l’exploit. Nous sommes ici devant une forme d’expression de la force, ou de la
puissance physique, qui possède bien des parentés avec cet état de nature dont
parle Hobbes ou Rousseau, moment où nul n’est assuré de sa force car il peut
toujours rencontrer un autre plus fort que lui, tous jouissants d’une liberté
illimitée mais fictive. L’homme de la performance est toujours déjà vaincu
puisqu’il est le point à dépasser par tous ceux qui si préparent. Situation de
précarité du statut où les records d’hier sont déjà muséographiés en même temps
qu’oubliés. Le record fait toujours parti d’une chaîne où il est appelé à jouer
le rôle de maillon. Ainsi en cet état ne se trouve ni sécurité ni sûreté. La
performance n’est pas un moment mais un point, placé sur une droite il désigne
un temps mathématique. Ici il y a un paradoxe, en effet le propre de l’état de
nature c’est son insécurité et l’absence de prévision qui l’accompagne, en cet
état chacun se trouve placé au centre d’une tourmente sur laquelle il ne
possède aucun pouvoir : alors sortir de l’état de nature équivaut à
accéder au temps plein de la prévision. Ne plus subir le hasard mais tenter de
le maîtriser par des opérations intellectuelles et un repérage dans l’espace
qui n’existait pas auparavant. La performance tente pour sa part un contrôle du
temps qui suppose une adéquation totale entre le dépassement d’un point et la
fabrication d’un nouvel ordre, fondé sur une continuité et l’effacement de la
performance précédente qui perd son statut et sa force identificatoire et
symbolique. La performance est dans l’effacement, la science n’est pas, en son
sein, facteur d’une progression qualitative, d’un dispositif positif de
progression, d’un « supplément d’âme[20] ».
La performance vient ainsi modifier la notion de mémoire. La mémoire est une
forme de l’éternité, celle proprement humaine. Elle engage la durée
c’est-à-dire de l’épaisseur de temps, non un temps mathématique et abstrait
mais le temps concret de l’ennui ou du plaisir. Celui du désir donc, s’il est
vrai qu’une heure passée dans le bonheur et une heure de détresse ne se
comparent pas, l’une donnant l’impression d’être un instant l’autre une
éternité.
La performance, pour sa part,
inscrit une mémoire des faits qui n’engage pas la durée, en d’autres
termes un temps seulement mathématique et non plus psychologique. Un temps qui
n’avance que techniquement sans le ressort du psychisme humain. Dans la performance
l’instant devient une totalité significative, le temps est ainsi contracté pour
devenir un événement exemplaire, mais déjà un grand vent de sorcière souffle
sur lui et nous fais connaître sa prochaine défaite. Toutes les institutions
sont en effet tendues vers son dépassement, vers la refondation d’une nouvelle
temporalité. Il s’agit d’un temps non cumulatif, fixé sur l’idée d’un progrès
indéfini de l’homme et de ses actions. Le temps de la performance est peut-être construit sur une conception du
temps qui n’emprunte pas à l’existence, sur le temps idéal et plein de
l’instant qui se cristallise et forme une figure de l’éternel. Il y a là
quelque chose de religieux, quelque chose d’enfantin et de terrible. Nous avons
tous pensés produirent des merveilles, accomplir des miracles, il en est ainsi
du sportif tentant de produire un record. Il y aurait une maladie propre à la
performance, celle de l’infantilisme de la pensée, qui, si elle est requise
chez l’enfant, devient pathologique chez l’adulte, perversité.
La performance : le corps souffrant.
Il y a derrière la performance un étrange éloge de la souffrance, plutôt
du fait qu’aucun plaisir ne peut s’obtenir sans souffrir ; jusqu’à quel
point ? Laurent Fignon dira au journaliste venu l’interviewé sur ce que
représente physiquement la course cycliste
du Paris-Roubaix : « L’entrée de ce vélodrome de Roubaix (…)
symbolise la délivrance, qu’elle que soit la place qu’on occupe. Pendant ces
226 kilomètres, la souffrance et le plaisir sont mêlés. C’est quand le terrain
est dur que j’ai le plus envie de battre les autres.[21] »
Les difficultés sont un adjuvant de la performance, renvoyer toute la
souffrance vers autrui par un acte d’agression sportive. Et puis la
délivrance ! Ce terme indique le fait de sortir des chaînes, aussi
l’accouchement qui en ce lieu signifie en même temps le fait d’advenir au monde
pour l’enfant et la libération des couches pour la femme. Le point d’arrivée
n’est donc que la cessation de la souffrance, pédaler pour enfin cesser de
pédaler et y trouver alors une véritable jouissance. Subir l’épreuve des pavés,
du vent, du froid, pour ne plus subir les pavés, le vent, le froid. « Ne
plus souffrir », mot d’ordre des sportifs qui porterait avec lui l’espoir
de toute une nation, du monde même. Eloge aussi de la sueur, de « la
douleur qui fait tomber les masques »[22],
attaque multiple contre tout ce qui provient de la civilisation, contre son
vernis – retour à l’authentique qui se confond ici avec une certaine idée de la
nature. Nous connaissons ce thème de la valeur de l’homme qui ne se découvre
que dans l’épreuve, au double sens du terme, Montherlant l’exaltait déjà en
trouvant plus « dans une après midi a jouer au football » que dans
toutes les leçons des maîtres, jouer au football en attendant « une
révolution digne de ce nom ». Le National Socialisme s’annonçait déjà au bout de cet engouement pour le corps
sain, son échec peut donner un goût pour les corps sales, ses odeurs, ses
ratés, ses effluves. Nature non plus huilé des jeunesses hitlériennes,
spectacle d’une mécanique musclée, mais nature brute des corps non policés,
« Rocky Marciano menait, pendant le mois précédant la rencontre, une vie
monacale. Nous autres, hommes quelconques, avons de la peine à concevoir cette suspension
de l’ordre du monde. Il n’écrivait, il ne lisait aucune lettre. Davantage, il
ne serrait la main de quiconque . »[23] Ainsi
ne plus serrer de mains, sortir de la compagnie des hommes, entamer un travail
de désocialisation afin de permettre la haine, produire une
« déshumanisation » de soi si tant est que les actes sociaux sont les
marqueurs les plus probants de notre identité humaine ; ainsi sortir de
l’ordre de la politesse serait la marque « des hommes d’exceptions »
qui loin de la « vulgate » côtoient les sommets de la
performance. Ne plus lire, ne plus écrire, détester tout ce qui à trait à
l’intellect. Se mettre en situation de haine pour frapper sans pitié, le sport
comme alphabet de la violence. Les corps sont dressés les uns contre les autres ;
cet affrontement suppose aussi la moite participation de ceux qui loin de la
souffrance peuvent s’en repaître à l’aise : le spectateur est un voyeur au
mieux, un criminel sinon. Rechercher la souffrance d’autrui, tendre son
attention vers ce qui serait la limite du supportable, ne plus craindre pour
autrui mais vouloir voir les marques de sa rupture physique et psychique, se
repaître donc. Et puis ceux qui dans les stades déchaînent la vindicte et la
haine. Ils inventent un espace d’affrontement capable de les faire ressembler à
ceux qu’ils admirent où détestent. Le stade est une catharsis, théâtre
contemporain de l’incivisme et de cette « guerre des supporters » qui
fait des ravages. Mais rarement guerre se mène sans généraux, le sport est
aussi un business, l’occasion de gagner des sommes fabuleuses[24].
L’argent nécessaire pour une année à l’aide aux pays touchés par le tsunami
dévastateur de décembre 2004 correspond aux droits versés par Canal Plus pour
la retransmission des matchs de football de l’année.
Le modèle perdue de la performance
En Grèce ancienne pour outrager un ennemi il fallait détruire son corps,
le poursuivre au-delà de la mort, le rendre méconnaissable, l’outragé. Dans
l’univers contemporain le corps défait, déformé par la souffrance, salit,
devient l’objet d’un culte, fascination pour une certaine perte d’identité
comme perte de soi, la performance souvent se réclame de cette Grèce dont elle
est pourtant si loin tant physiquement qu’idéologiquement. Ainsi Hector est
devant Troie tué par Achille puis attaché à un cheval et traîné, jusqu’à être
défiguré, corps en lambeaux, corps désarticulé, corps traqué jusqu’après la
mort. Car le corps porte la clé de l’identification , il est le passe qui
permet par sa reconnaissance d’accéder à l’au-delà : il possède une
qualité théologique. Le sport à défait cette alliance, il ne vise le corps que
comme corps instrumental, la pensée y est traquée puis en est arrachée,
extirpée ; nous nous trouvons devant le symétrique inverse de l’univers
grec : dans un cas le corps est ce qui est le propre, qui est
immédiatement pourvoyeur d’une identité et garant de l’éternité, dans l’autre
cas le corps est l’objet d’un culte qui ne vise pas le corps et sa
reconnaissance mais ses performances, ses réalisations dans le cadre d’une
mesure. La performance est une condamnation du jeu et de la gratuité, elle est
immédiatement marchande. Le devenir marchandise du corps est lié à une action
qui n’a pour objectif que dans déterminer la valeur ou le prix par un système
qui doit rendre compte seulement de ses résultats. La performance est l’ennemie
de l’oisiveté, de la recherche gratuite, de l’attention à l’insignifiant, de
l’inutile. La performance cache le concept d’utilité : être performant
c’est être utilisable. L’utilité suppose la médiation, la fourchette n’est pas
utile en soi mais par sa capacité à me mettre en rapport avec l’aliment sans
que je ne sois obligé de le toucher avec mes doigts. Ainsi la fourchette est un
intermédiaire entre le sujet et l’aliment, elle est le moyen permettant la fin.
Mais la fin est ici en dehors du moyen, la fourchette ne trouve pas
d’accomplissement en elle même, elle ne possède pas une fin propre, elle est à
disposition d’autre chose qu’elle. Elle vise des manières de table, des mœurs,
des usages. L’inutile devient alors l’essentiel, ce qui ne dépend pas d’un
élément extérieur, qui possède ses propres fins ; n’est-ce pas là la
définition de la liberté, de l’autonomie ? Cette liberté trouvant son
accomplissement dans l’œuvre d’art qui
se doit d’accompagner le fait social, la question se pose de savoir comment
l’inutile pourrait résister à cette pression croissante des appareils
institutionnels[25] ?
La performance ne vise que l’efficace, elle ne retient rien du geste ruinant,
« du beau geste » qui n’exprime pas une qualité technique mais une
disposition morale, l’arété. Il faut distinguer alors entre deux mondes,
entre deux univers, pour celui de la performance ce qui compte c’est de gagner
ou de perdre, c’est l’encensement des valeurs marchandes, pour l’homme grec ce
qui importe ce sont des valeurs humaines qui ne dépendent pas d’un but mais de
l’intention de l’action. Mesurer les choses non plus dans un dispositif
d’efficacité mais dans le cadre « d’une conformité de l’action à
soi ». L’athlète n’est pas le héros. Le héros grec est celui qui atteint
une éternité par la force de son désir d’être ce qu’il est, l’athlète est tout
entier dans une séparation d’avec lui-même, ce qu’il vise c’est un point
extérieur à lui, une performance qui suffirait à lui donner un nom non pas pour
se trouver mais pour que les autres le reconnaisse. Le héros au contraire
travaille seulement à se fabriquer, fatalement les autres devront se souvenir
de lui car il s’illustre dans des œuvres qui n’engage pas les autres hommes,
son action le perd et partant le rend éternellement présent à la mémoire des
hommes.
Le héros vient au moment où le monde se perd, moment de vacillement des
certitudes, les Dieux doivent alors rétablir l’équilibre et la séparation des
univers entre eux et les hommes. La mort est le poids que porte tous les hommes,
pour l’avoir oublier le héros disparaîtra aspiré par cette mort qui ne laissera
de lui qu’un nom, une empreinte, un visage. Le sportif est aspiré lui aussi
dans un gouffre, non pas celui de la transcendance mais du rendement, il est
pris dans une spirale qui ne laisse ni gloire ni espoir, corps broyé par le
capitalisme, corps-marchandise commercialisable et exploitable.
Foucault nous disais que « depuis des siècles règne toute une
politique du corps. Le corps humain, en effet, a été, depuis les XVIIe
et XVIIIe siècles, à la fois utilisé, quadrillé, enserré, encorseté comme force
de travail. Cette politique consistait à en extraire le maximum de forces
utilisables pour la production ».
Aujourd’hui
le corps est placé dans un cadre sportif qui s’exprime par le muscle.
Parallèlement à cette emprisonnement du corps au travail il y a modification de
paradigme, passage de
l’os[26] au
muscle. Avant les reliques étaient la figuration du divin, le corps était
tourné vers le divin, à partir du XVIII le corps s’oriente vers une
objectivation de ses fonctions, vers le muscle qui doit désormais s’étoffer,
grandir et grossir[27]. Le
corps-performance est le nouvel ordre autour duquel la société se met en place.
Alors nous pouvons reprendre l’interrogation même de Foucault : va-t-on pouvoir ou non récupérer son propre corps, et aussi le corps des
autres[28] ?
Entrer dans une interrogation sur une possible résistance des corps à la
performance c’est s’engager contre toute « politique tendant à la
récupération des corps »[29].
La performance remplit le double objectif d’être à la fois un instant,
un point mathématique en même temps qu’une longue chaîne où chaque élément ne
prend sens qu’au regard du système complet. Performance achevée, performance
inachevée, il y a dans la performance quelque chose de l’analyse
psychanalytique, une impossibilité de parvenir au bout s’il est vrai qu’on en
fini pas avec soi, il y a le même inachèvement dans la performance, sans la
découverte intime de soi, sans le dévoilement. La performance naît en même
temps que l’entreprise encyclopédique, sa frayeur est le reste, ce qui n’est
pas encore mesurable, ce qui ne peut être encore et qui déjà est anticipé,
appelé. La performance est la forme institutionnelle du progrès, Cournot en
parlait comme d’ « un but éminent auquel tous les êtres doivent
concourir dans leur existence passagère », la performance prend la place
des idéaux anciens, ne plus sonder les mystères de la foi, ne plus s’interroger
sur le statut de la liberté, sur l’angoisse de la mort, mais participer
activement à la mise en marche de l’humanité vers sa destination sportive
c’est-à-dire ne plus penser mais courir éperdument pour tenter d’oublier que l’existence
possède un autre sens. Nous sommes dans la situation de ces hommes que ont trop
bu au fleuve de l’oubli et qui ne souviennent plus de leur propre existence,
aveugles et sourds à l’essentiel ils seront aspirés par cette mort qui n’est
que le nom donné à l’amnésie des valeurs.
[1] Bachelard dans Le
nouvel esprit scientifique pose une nécessaire complémentarité entre la
science et la technique, qu’il nomme phénoménotechnique, nous reprenons ici
succinctement son analyse pour l’appliquer à la performance : cette
dernière dépend totalement des instruments de mesure permettant de déterminer
au 1/1000 près le record. Nous retrouvons encore ici Jean-Marie Brohm qui pose
dans Les meutes sportives (p.322
et suiv.) cette concordance entre le sport et la science, ici la géométrie « la géométrisation, l’abstraction de la
nature concrète, réelle, sensible, trouvent dans le sport leur
achèvement », poursuivant « le sport est une conception spatiale
réifiée de l’univers ». Il y a quelque chose de la déshumanisation, du devenir-machine de
l’homme lorsqu’il en vient à se résumer à un chiffre.
[2] Voir l’article de Jacques
Guillerme dans la revue Autrement, Le corps surnaturé, intitulé
« Le grand spectacle de la mesure », dans lequel il tente de montrer
que les progrès techniques de la mesure de la performance produisent comme
effet, premièrement une multiplication des records liée à « une échelle de
variation de plus en plus resserrée, deuxièmement à une augmentation des « erreurs »
d’interprétations humaines dans l’arbitrage, ou encore dans le relais du signal
du départ lors d’une course, «on retiendra que l’on admet communément qu’une
erreur de l’ordre du centième de seconde s’introduit, irréductible, dans le
procès d’émission et de réception du signal de départ » (p.174).
[3] La Boétie, Le mystère de
la servitude volontaire
[4] Victor Goldschmidt, Anthropologie
et politique, les principes du système de Rousseau, p. 288, éd. Vrin,
Paris, 1983.
[5] Victor Goldschmidt, ibid. cit. p.290.
[6] Darwin pensait que la
société devait créer par l’intervention du droit et des techniques les
conditions de l’arrêt de la sélection naturelle. La société doit promouvoir
l’égalité des citoyens et déplacer la force de la nature vers l’intelligence de
l’artifice.
[7] Kierkegaard, Point de
vue, p.101
[8] Marx, Travail salarié
et Capital, dans ce texte il y a dénonciation de cette future
« société des loisirs » qui s’annonce et qui deviendra bientôt la
« société des sports ». Marx pensait que le travailleur en
désinvestissant son travail est conduit à désinvestir sa propre existence au
profit du temps arraché au travail. Ce temps est celui de « l’auberge, de
la table, du lit » ramenant alors vers une dimension animale, vers des
besoins plutôt que des désirs. Telle est l’œuvre de l’idéologie, de cette
« caméra obscura » qui fait voir les choses à l’envers, image inversé
d’un monde désormais livré aux vendeurs de concepts, aux fabricants de paradis,
aux publicitaires du sport.
[9] « Les spectacles
sportifs déversent dans les entonnoirs industriels que sont les stades les
foules aliénés », Jean-Marie Brohm, Les Meutes sportives, p. 322.
[10] Austin, Quand dire c’est faire
[11] La « belle
individualité » est en Grèce ancienne la marque du héros, celui qui est
tout entièrement tourné vers l’accomplissement d’un exploit qui lui gardera son
nom pour l’éternité. C’est aussi le choix de la prompte mort, de la mort rouge,
celle qui intervient sur le champ de bataille à la fleur de l’âge. Assurer son
éternité c’est accepter et vouloir mourir. L’athlète ne fait pas ce choix, ce
qui le détruit est extérieur et non intérieur. Il est conduit à utiliser des
produits qui vont entraîner sa perte, tout comme l’entraînement qu’il subit
n’est pas penser par lui mais imposer par ses entraîneurs en vue d’obtenir des
résultats qui ne laisseront pas le souvenir d’un nom mais d’un chiffre. C’est
la performance elle-même qui acquiert un
statut, non l’homme ou la femme.
[12] Vercors, Le silence de
la mer,
[13] Anna Arendt dans Le
système totalitaire développe cette image, les SA sont éliminés par
les SS, il y a dans le système nazi une
épuration continue qui ne peut subir ni arrêt ne limitation, à la fin la guerre
les polonais porte un signe distinctif, prélude à l’élimination des
« sous-hommes de l’Est ».
[14] voir les articles de
André Mineau et Thomas DeKoninck, « Le Nazisme et l’idéologie de la
santé : les avatars modernes de la dignité humaine », in Revue
d’histoire de la Shoah. Le Monde juif, octobre 1998 ainsi que
« L’idéologie de la santé et de la performance : le cas
Himmler » écrit par André Mineau dans la Revue d’histoire de la Shoah,
le monde juif, janvier-avril 1999.
[15] Cit. in
« L’idéologie de la santé et de performance », p.150.
[16] op. cit. p.155.
[17] op.cit. p.158.
[18] op.cit. p.158-159.
[19] op.cit. p.161-162.
[20] Bergson
[21] Journal Libération
du 15 avril 1991, interview de Laurent Fignon par P. Le Roux cité in « Un
autre regard : à défaut de cet absolu qui se dérobe à l’homme » écrit
par Pierre Sansot dans le n° WWW de la revue Autrement, p.181, et à un tout
autre usage puisque l’auteur de cet article tente de refonder nostalgiquement
« les hauts faits (passés) qui empliront le lecteur d’étonnement,
d’admiration, qui lui donneront à réfléchir, peut-être à rêver », p.180.
Tout un programme donc, jusqu’à l’affirmation qu’il y a identité entre cette
course cycliste et les lieux qu’elle traverse et une guerre :
« Quérémaing, Valenciennes, Wallers, Arenberg, ce sont là, pour les
initiés des noms effroyables et dont le coureur garde en mémoire le souvenir
pour la vie, tout comme le rescapé d’une guerre terrible se souvient des
moments les plus terrifiants. » (p.181) Belle invitation à la pensée et au
rêve.
[22] Le corps surnaturé,
Revue Autrement, article écrit par Pierre Sansot, « un autre
regard », p.183. Sansot écrit « comme si la sueur était seule
susceptible d’advenir de l’intérieur de notre être et d’en exprimer une petite
part de vérité ».
[23] Pierre Sansot, ibid cit.,
p.182.
[24] pour l’analyse de cette
collusion entre le sport et la finance, plus loin entre le sport et la maffia
voir l’article de Patrick Vassort dans Les Arréductibles, aussi le
chapitre « le sport une entreprise thanathique » dans La
machinerie sportive, essais d’analyse institutionnelle écrit par Jean-Marie Brohm, éd. Economica,
2002.
[25] Les analyse de Paul Ardenne sur le lien de l’art aux
institutions politiques et économiques sont incontournables, il développe dans
son œuvre le rapport de l’art contemporain aux appareils idéologiques
d’Etats ; « le champ artistique s’institutionnalise avec pour
conséquence la part croissante de sujétion à quoi l’artiste doit dorénavant
consentir. Au marché, à la tyrannie du goût et de la mode s’ajoute à présent la
puissance de l’institution de l’art », L’art dans son moment politique,
p.15,éd. De La Lettre Volée, 1999. Cependant le statut de « la
performance » dans l’art désigne aussi une autre réalité que celle du
sportif. Il désigne une œuvre appelée à disparaître, un évènement qui prend
sens dans sa fatuité, dans le simple présent de sa présentation. Produire une
performance équivaut alors à faire une installation, une action sans mesure,
débarrassée de tout avant et de tout après : un moment, une épaisseur de
temps qui s’autonomise et acquiert ainsi une existence propre, de la durée et
non de l’instant. Alors l’art échappe à la linéarité de l’exploit sportif – il
produit un temps non productif, un temps non performant : de l’inutile.
[26] Le christianisme
dévalorise le corps et le réduit à l’os, au squelette qui détermine notre
condition humaine, l’âme en est le principe moteur invisible.
[27] Voir à ce sujet les
études de Vigarello et de Duby sur l’histoire du corps à travers les âges.
[28] Michel Foucault
[29] ibid.cit.
Inscription à :
Articles (Atom)